Héritage et fermeture. Une écologie du démantèlement

Séminaire Permanent Travail, Temporalités, Technique / Séminaire Permanent Managing and Assessing Transition Innovation Network / Séminaire Général

Mardi 17 janvier 2023
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LEST, Salle 1

Animation Héloïse Berkowitz, Marie Di Nardo, Claude Paraponaris

Emmanuel BONNET (CLERMA - ESC Clermont-Ferrand),  Diego LANDIVAR (Origens Media Lab - ESC Clermont-Ferrand) et Alexandre MONNIN (Origens Media Lab - ESC Clermont-Ferrand)

Héritage et fermeture. Une écologie du démantèlement

Nous dépendons pour notre subsistance d’un « monde organisé », tramé par l’industrie et le management. Ce monde menace aujourd’hui de s’effondrer. Alors que les mouvements progressistes rêvent de monde commun, nous héritons contre notre gré de communs moins bucoliques, « négatifs », à l’image des fleuves et sols contaminés, des industries polluantes, des chaînes logistiques ou encore des technologies numériques. Que faire de ce lourd héritage dont dépendent à court terme des milliards de personnes, alors qu’il les condamne à moyen terme ? Nous n’avons pas d’autre choix que d’apprendre, en urgence, à destaurer, fermer et réaffecter ce patrimoine. Et ce, sans liquider les enjeux de justice et de démocratie. Contre le front de modernisation et son anthropologie du projet, de l’ouverture et de l’innovation, il reste à inventer un art de la fermeture et du démantèlement : une (anti)écologie qui met « les mains dans le cambouis ».

 

Plaidant pour une écologie du démantèlement, les chercheurs Emmanuel Bonnet, Diego Landivar et Alexandre Monnin préviennent, dans une tribune au « Monde », que l’humanité doit se préparer à « fermer » ce qui la détruit. Le Monde, 3 septembre 2021.

Tribune. Il va falloir s’habituer à ce que, désormais, chaque nouveau rapport du Groupe d’experts intergouvernemental (GIEC) sur l’évolution du climat génère un sentiment de lassitude supplémentaire. Pourquoi n’arrivons-nous pas à enclencher cette satanée « transition » ? Nous voudrions défendre ici une hypothèse relativement naïve, mais qui pourtant semble peu évoquée : si nous ne parvenons pas à traduire les alertes climatiques et écologiques en actes concrets à la hauteur de ces enjeux, c’est parce que nous n’arrivons pas à « fermer les choses ». En clair, plus que d’un renversement théorique ou d’une réforme impossible du capitalisme, nous avons besoin de le fermer concrètement.

Nous le voyons tous les jours. On mettra sûrement plus de trente ans à nous débarrasser du glyphosate depuis les premières études sur son écotoxicité. La fermeture ne serait-ce que d’une centrale nucléaire a pris à la France une dizaine d’années ; son démantèlement va s’étaler pendant plusieurs décennies. Dans l’Alberta, ni les pouvoirs publics ni les entreprises privées ne sont encore prêts à assumer la gestion des 95 000 puits de pétrole délaissés. A Detroit, la démolition de milliers de mètres carrés de bâtiments abandonnés est prise en charge par une poignée d’associations de riverains armés d’outils improvisés pour répondre à des besoins de subsistance critiques. Alors que les liaisons aériennes locales pourraient être rapidement abandonnées pour des raisons écologiques évidentes, une grande partie des élus locaux s’accrochent à la promotion de « l’attractivité » de leur territoire. Après six ans de travail, 24 milliards d’euros investis, 16 000 personnes impliquées et 20 millions de mètres cubes de déchets, seul un tiers du territoire autour de la centrale de Fukushima a été correctement dépollué…

 

Conquête cosmologique

Pourquoi n’arrivons-nous pas à bien fermer les choses ? D’abord parce qu’un des traits anthropologiques majeurs des modernes est celui de « l’ouverture ». Héritage de notre front de modernisation, il sous-tend notre modèle de développement et nous conduit à penser le monde et ses situations écologiques critiques uniquement sous le mode du projet (administratif, économique, social ou technologique), de la gestion et de l’ingénierie. L’innovation, la création, la production seraient encore une fois les armes les plus évidentes pour dépasser la situation climatique et nous permettre de conserver notre modèle de développement.

 

Biographies

Emmanuel Bonnet est Professeur à l’ESC Clermont Business School et membre du CleRMa. Ses recherches portent principalement sur les dynamiques collectives d’apprentissage dans des projets qui accordent une place importante à l’exploration. Il a participé dans le cadre de sa thèse à une simulation d’exploration martienne dans le désert de l’Utah (USA). Les pratiques quotidiennes des membres d’équipage ont été décrites comme une enquête. Emmanuel Bonnet a par ailleurs effectué une recherche postdoctorale à l’INRA portant sur de nouvelles formes d’apprentissage dans des collectifs agroécologiques.

Diego Landivar est Docteur en Sciences Economique et ancien élève Normalien à l’Université Paris-Saclay. Ses travaux portent sur les reconfigurations ontologiques.  Ses publications portent sur le droit de la nature et des non-humains, le statut des objets techniques, les controverses, l’anthropocène ou encore les ontologies territoriales. Il est co-fondateur et directeur du laboratoire Origens Medialab.  Il conseille différents territoires et pouvoirs publics en quête de singularité identitaire et d’alternatives écologiques. Il est également co-fondateur du Programme PEOPLE.

Alexandre Monnin est Professeur à l’ESC Clermont Business School en redirection écologique et design, Directeur du MSc « Strategy & Design for the Anthropocene » (ESC Clermont BS x Strate Ecole de Design Lyon) et Directeur scientifique d’Origens Media Lab. Docteur en philosophie de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, sa thèse a porté sur la philosophie du Web. Il est aussi membre du réseau d’experts de la mission Etalab, du GDS Ecoinfo (CNRS), du Conseil Scientifique du Centre national de la Musique (CNM), de CY Ecole de Design, membre du Conseil d’Administration de la 27e Région et du Conseil d’Orientation des Chemins de la Transition au Québec.  Avant cela, il fut chercheur chez Inria, architecte de la plateforme numérique de Lafayette Anticipations et Responsable recherche Web à l’IRI du Centre Pompidou. Il a également collaboré avec l’UNESCO ou encore le Shift project (co-auteur du rapport Pour une sobriété numérique en 2018).

 

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